laissons la mer nous regarder + morgan

Comme l'autre nuit, ses pieds lui font mal d'avoir marché depuis si longtemps. Elle se sent chavirer, entame la danse de l'ivresse alors qu'elle se décide à enlever ses escarpins qu'elle tient finalement du bout des doigts, l'odeur de la mer lui soulève le cœur pourtant c'est ici qu'elle vient s'échouer. Que, le cœur battant, elle observe la mer d'onyx aller et venir sur le sable. Et elle l'appelle peut-être. Cette pensée lui arrache un sourire, pour elle-même. La mort ce n'est pas pour elle, ça ne l'a jamais été. Sauf pour ses mains qui ont enlevés leur dernier soupir à quelqu'un et elle les croise parfois, les yeux vides de vie, l'accusant de quelque chose qu'elle n'a pas voulu. C'est sa faute, non ? Il n'aurait pas dû passer à l'acte, elle n'aurait alors rien fait. Comme d'habitude, elle aurait baissée la tête, aurait sourit pour lui faire plaisir et serait partit s'enfermer dans sa chambre pour pester contre lui dans des murmures. Sauf que ces murmures sont devenus des cris qui la hantent encore ce soir. Sa main se resserre sur le goulot de la bouteille qu'elle a prit dans le bar, son patron ne s'en apercevra même pas. Elle l'a déjà cerné, déjà blasé par son commerce et brûlant plus de se tuer encore un peu à la clope qu'à faire marcher son business.

Quelques mètres et elle atteint le sable, se laisse enfoncer dedans, il avale sa peau trop pâle sous la lueur d'une lune paresseuse et elle penche rien qu'un peu la tête en observant les ombres au loin. Une qui se détache du reste. Elle devrait avoir peur, pourtant rien ne vient, elle s'avance. Il n'y a que les âmes déchirées ou solitaires qui viennent se perdre ici. Les meurtriers se perdent sûrement ailleurs ? Elle n'en sait rien Eve et continue son chemin alors qu'elle s'affale, sans paroles près de l'ombre qui n'a pas encore de visage. Elle le découvre quand elle tourne enfin son regard vers lui, lui offre un sourire, parce que c'est ce qu'elle a toujours fait, sourire, hocher la tête, rire parce que ça fait plaisir aux autres. Ce soir elle lui sourit vraiment, il n'a pas de nom, il n'en aura pas d'ailleurs. Puis sa main lui tend la bouteille, ça doit faire un peu trop de fois qu'elle partage, à croire qu'elle devient gentille « T'en veux ? Vaut mieux s'noyer dans l'alcool que là-bas, non ? » qu'elle dit d'une voix douce, presque un murmure, montrant d'un coup de tête la mer qui s'agite.